OUEST FRANCE 26/04/2020

RENCONTRE.

Une femme de loi contre les violences conjugales

https://www.ouest-france.fr/faits-divers/violences/rencontre-une-femme-de-loi-contre-les-violences-conjugales-6817858

À sa façon de répondre à votre coup de fil, on devine qu’Astrid Desagneaux ne sera jamais de celles qui renoncent.  Les violences conjugales augmentent. Or, le 3919, le numéro d’urgence destiné aux victimes ou aux témoins, semble recevoir moins d’appels , observe-t-on.

« C’est une évidence ! Comment téléphoner quand l’auteur des coups ou des insultes est constamment dans la place, confinement oblige , réplique avec énergie la présidente de Femmes huissiers de justice de France.

Créée en 2010 à son initiative, cette association a pour premier objectif de promouvoir la mixité dans une profession historiquement masculine, et  avouons-le plutôt machiste  sourit Me Desagneaux, mais qui se féminise.  Nous sommes actuellement 972 femmes huissiers pour 2 170 hommes. À l’École nationale de procédure, les trois quarts des élèves sont des femmes. 

Pourtant, elles ne sont quasiment pas représentées dans les organes de tutelle de la corporation. Au crédit de l’association figurent un contrat d’assurance maternité pour les femmes huissiers et une complémentaire santé pour les salariés des études.

SMS et mails retranscrits

L’autre action de ces militantes concerne les femmes en général. Et, plus précisément, les femmes battues ou harcelées. Les Femmes huissiers de justice et la Fédération nationale Solidarité Femmes, qui gère aussi le 3919, ont signé un partenariat. Il permet à l’association de proposer des prestations gratuites pour les conjointes suivies par Solidarité Femmes.

Si les honoraires des actes dont ces officiers publics ministériels ont le monopole – convocation en justice, recouvrement, commandement de quitter les lieux – sont fixés par décret, ceux des constats sont libres.  La retranscription de SMS et de mails avec la rédaction de procès-verbaux est la mesure d’urgence que nous pouvons réaliser gratuitement pour toutes celles qui en ont besoin, explique Astrid Desagneaux. Nous traiterons toutes les demandes d’actes qui nous parviendront par courriel à cette adresse, afhj.fnsf@scp-desagneaux.com .

Outre les faits de violences physiques et psychologiques, les autres missions visent la dégradation de domicile conjugal,  le type a cassé la porte, défoncé le miroir . Le recouvrement de pensions alimentaires et  il va y en avoir avec le chômage partiel . La non-présentation d’enfants à l’issue d’un droit de visite ou de vacances et le refus de restituer leurs papiers d’identité afin qu’ils puissent voyager.

SMS et mails peuvent-ils juridiquement servir de preuve ?  Ce sont soit des commencements de preuve pour celles qui ne sont pas en procédure judiciaire, soit des preuves pour celles qui le sont déjà », confirm e Me Desagneaux.

Dans le petit milieu conservateur des huissiers de justice, l’idée d’Astrid Desagneaux n’a pas toujours suscité l’adhésion. Au contraire.  Des confrères m’ont dit : C’est une honte ! Des actes gratuits ! Or, si chaque étude en valide un par an, ce n’est pas la ruine tout de même.  

Son engagement a, parfois, déplu.  L’image de la profession ? Des hommes en robe noire qui expulsent, font des constats d’adultère, des saisies. Alors que c’est fini, ce n’est plus cela notre métier. À 80 %, c’est de l’accompagnement et de la psychologie, de la médiation. Avec de plus en plus de femmes jeunes. On ne montre jamais ce dynamisme.  

Cinq générations d’huissiers

Du dynamisme, cette rebelle de

son temps, élevée dans la tradition de cinq générations d’huissiers parisiens des beaux quartiers, en a

à revendre.  Voyez le tableau ! Je maîtrise mon sujet.  Son association, elle en a conçu le projet

après une Journée de la femme organisée par Rachida Dati, aujourd’hui maire du VIIe arrondissement de la capitale.

L’ancienne garde des Sceaux, convaincue de l’intérêt de la démarche, lui a ouvert bien des portes. Et, en 2019, Astrid Desagneaux a participé au groupe de travail lancé par une autre ministre de la Justice, Nicole Belloubet, groupe chargé de coordonner un plan d’action de lutte contre les violences conjugales.

Hier encore, MDesagneaux a reçu de multiples messages de femmes sous pression.  Pour celles qui ne savent pas comment s’exprimer, car il faut du courage pour le faire, l’écriture est plus facile, je crois. Ce genre de situation, c’est terrible. Et souvent bouleversant. 

Contact par courriel : afhj.fnsf@scp-desagneaux.com